miércoles, 25 de septiembre de 2013

Le vent se lève: comentario de Aline Sirba sobre la versión francesa de "El colectivo"


 

Prochain arrêt : l’oppression.


Aline Sirba


L’Autobus, Eugenia Almeida (Métailié, 2007, Métailié Suites 2012)


Les dictatures militaires du XXème siècle ont marqué la vie et la mémoire des écrivains d’Amérique du Sud qui s’attachent aujourd’hui à témoigner de ces heures sombres. Parmi les nombreuses voix s’élève celle d’Eugenia Almeida, née en 1972 en Argentine. L’Autobus est son premier roman ; il a reçu en 2005 le prix espagnol Las Dos Orillas et a été traduit dans plusieurs langues. L’intrigue qui va droit au cœur de sa cible est la suivante : en 1977, dans un petit village perdu de la province de Cordoba, en Argentine, l’autobus habituel qui relie les bourgades à la grande ville passe sans marquer l’arrêt…

« Cela fait trois soirs que l’autobus passe sans ouvrir ses portes. Le village est sous une chape métallique. Grise et légèrement ondulée. Le seuil des maisons est maculé de terre et l’absence de pluie rend les chiens nerveux. » L’incipit, concis et vigoureux comme le roman tout entier, installe le cadre inquiétant : pourquoi le bus passe-t-il sans s’arrêter dans ce petit village de la campagne argentine profonde? Ce ne sont pourtant pas les voyageurs qui manquent devant l’hôtel-restaurant de Rubén. Il y a ce jeune couple inconnu qui guette impatiemment l’heure du départ, ainsi que la sœur de l’avocat Antonio Ponce, Victoria, venue rendre visite à son frère et à sa belle-sœur Marta. Néanmoins, malgré les signaux répétés de l’avocat, le conducteur s’obstine à traverser le village à bord de son véhicule et à s’enfoncer dans la nuit sans prendre de passagers. Peu après, ce sont les trains qui ne passent plus, l’ordre a été donné de laisser les barrières abaissées. Ces changements inexplicables provoquent tour à tour la stupéfaction, l’interrogation, puis la résignation des habitants.

Le roman est construit comme une pièce de théâtre, avec un art consommé des dialogues qui nous en apprennent long sur ce village anonyme, semblable à mille autres comme lui, perdus au fin fond du pays. Il est traversé par une voie ferrée qui divise littéralement le village en deux : du « bon côté », on compte les notables, les commerçants, les plus aisés ; de l’autre côté vivent les paysans, les ouvriers, les pauvres, ceux qui mènent forcément une mauvaise vie. Ils ne se mélangent pas. Seul Gomez, le livreur à vélo, va et vient toute la journée en franchissant les limites du passage à niveau que lève et abaisse le garde-barrière. Ponce, l’avocat, bien que faisant partie des nantis, habite cependant une maison du « mauvais côté ». Promis à une brillante carrière dans la capitale, il a épousé la fille d’un juge éminent de Cordoba pour réparer une erreur de jeunesse, et depuis ce mariage voué d’emblée à l’échec, il nourrit une haine féroce à l’égard de sa femme qu’il a décidé de tuer socialement en venant s’installer dans ce patelin reculé. Il met par là-même un terme à ses propres ambitions et passe désormais son temps à faire des mots croisés et à jouer une interminable partie d’échecs solitaire. Plus qu’une distraction, la visite de Victoria est une énigme, la jeune femme voudrait confier ses angoisses à son frère à propos de changements survenus à la ville dont elle est le témoin, de l’atmosphère étouffante qu’elle retrouve ici, depuis que son départ est différé par les caprices de la régie des transports.

Les deux jeunes gens de l’hôtel sont excédés et les commérages vont bon train: lui est sûrement un commis voyageur venu retrouver là, dans ce village si respectable, sa petite amie, une fille de mauvaise vie venue d’on ne sait où. D’ailleurs, à bout de nerfs après quatre jours à attendre un car qui ne s’arrête pas, lorsqu’ils décident de partir à pied pour gagner le village voisin, personne ne les retient. En même temps que le climat est de plus en plus lourd, le passage de l’autobus devient une attraction pour les villageois excités par la curiosité, qui s’endimanchent pour venir s’agglutiner à l’arrêt, devant le café de Rubén, comme au spectacle, « une foule […] s’enthousiasmant pour une corrida. Sauf que personne ne se demande qui est le torero et qui va mourir pour le plaisir des autres ». Les conjectures se répandent, les suspicions se lisent dans les regards, les langues se délient : on a entendu parler de « personnes très dangereuses » à la radio, des « suspects » seraient même recherchés. L’inquiétude gagne du terrain, d’autant que la situation isolée du village devenu prison ne permet pas de lever les suppositions les plus folles. Les nouvelles ne parviennent plus, les journaux ne sont plus livrés, la radio est muselée, on n’entend plus que le silence assourdissant imposé par les militaires qui rôdent, rompu seulement par les rires aigus de Marta qui devient hystérique et s’agite du matin au soir tel un pantin détraqué. Seule la jeune sœur de l’avocat sait que des événements terribles se produisent depuis quelques temps : des livres disparaissent de la bibliothèque, les ouvriers se sentent menacés, on entend régulièrement des fusillades, on a même retrouvé des corps criblés de balles dans les fossés…La loi est imposée par la force, la torture, le meurtre. La gangrène autoritaire est en passe de gagner tout le pays. Victoria, Rubén et Gomez sont seuls conscients du drame qui se joue et doivent se rendre à l’évidence : le petit village jusqu’alors épargné est à son tour visé, l’armée semble avoir pris le contrôle des déplacements, et ce n’est plus le commissaire local qui fait régner l’ordre, ce sont les militaires qui se chargent désormais de « veiller » sur les individus.

Le roman d’Eugenia Almeida instille l’angoisse jusqu’à la fin, même si, tels des spectateurs de théâtre, nous savons ce qui se trame en Argentine dans ces années-là, où les militaires sont en train de s’emparer du pouvoir. Une simple anecdote suffit à décrire de manière percutante l’organisation de la répression sous les yeux d’une population passive et fataliste. Lorsque la consigne est : « oubliez ce que vous voyez, oubliez ce que vous entendez », seuls quelques esprits éclairés percent la terrible réalité que certains oseront rapporter, conscients que les ravages de la dictature n’ont pas de limites temporelles.


Aline Sirba
19/06/2013







2 comentarios:

  1. Vale, no eѕtoy plenamente dеacuerdo con la manera de comentarlo,
    pero creo que est� bien el trasfondo.Un saludo!


    Noficias similares ; pepa

    ResponderEliminar