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miércoles, 17 de febrero de 2016

Comentario en Des mots et des notes sobre la versión francesa de "El colectivo"








Un court roman, tendu comme un arc entre le premier soir où l’autobus ne s’arrête pas dans le village et le soir où Victoria, la soeur de l’avocat Ponce, peut enfin reprendre le bus pour rentrer chez elle en ville. 127 pages en compagnie de villageois qui vivent simplement et qui vont observer, subir, essayer de comprendre pourquoi ce bus ne s’arrête pas quatre jours de suite, pourquoi la barrière du passage à niveau doit obstinément rester baissée alors qu’il ne passe un train que deux fois la semaine.

Le fin mot de l’affaire ne nous sera jamais livré mais avec Gomez, le coursier et Ruben, l’hôtelier, le lecteur aura eu le temps de découvrir, bouche bée, comment les différents niveaux du pouvoir envoient les ordres, cadenassent les décisions, morcellent les relations, détruisent les rapports, désinforment la population. L’atmosphère est lourde, l’orage menace mais ne craque pas, le mystère est opaque, épais et le rythme de l’écriture est vif, le tout produisant un premier roman inoubliable.

Eugenia Almeida entrelace le compte-rendu de ces quatre jours étouffants avec le portrait de l’avocat Ponce, sa femme et sa soeur. Elle introduit subtilement un parallèle entre les personnages de cette famille si différents les uns des autres et l’opposition entre les deux côtés du village de chaque côté de la voie ferrée et celle, plus implicite, entre la ville et la campagne. On devine que les gens de la ville, les militaires au pouvoir, croient sans doute qu’ils peuvent mater de « simples » villageois comme Ponce a soumis sa femme.

Mais on ne soumet pas la sensibilité des gens. La fin du roman m’a laissée à la fois plein d’espoir et d’appréhension pour les personnages qu’Eugenia Almeida a réussi à faire vivre en quelques pages vraiment marquantes.

La première page contient tout en germe :

«Cela fait trois soirs que l’autobus passe sans ouvrir ses portes. Le village est sous une chape métallique. Grise et légèrement ondulée. Le seuil des maisons est maculé de terre et l’absence de pluie rend les chiens nerveux. Par la fenêtre de l’hôtel, Rubén se penche machinalement pour regarder les gens qui traversent la voie. Ce sont les Ponce, qui habitent de l’autre côté. Ils accompagnent cette fois encore la belle-sœur pour voir si elle peut retourner en ville. Avant qu’ils ne parviennent à l’emplacement où l’autobus s’arrête, Rubén sort sur le pas de la porte. De loin on aper­çoit sa main qui s’agite comme un pendule dans l’air, un battant de cloche accroché à rien, qui se secoue pour dire non.
Maître Ponce fait un autre geste, de la tête, pour l’aviser qu’il l’a bien vu.

Maître Ponce fait un autre geste, de la tête, pour l’aviser qu’il l’a bien vu.
– Il ne s’arrête pas, il faut rentrer.
Cela fait rire Marta. Victoria regarde vers l’hôtel et plisse à peine les yeux lorsque le vent soulève la terre sèche. Elle ne sait pas si elle doit secouer sa robe, ôter son chapeau ou faire demi-tour pour rentrer à la maison.
– Ne ris pas. 
Marta baisse la tête pour cacher la bouche qu’elle a superbe, ouverte, immense. 
Cela fait quatre jours que les Ponce rejoignent à la même heure l’arrêt situé près de l’hôtel. Lui met un costume, une cravate et des chaussures de ville. Il porte la valise de sa sœur en faisant mine de la trouver légère. Les femmes marchent à quelques pas derrière, en parlant et en agitant les mains.» (p. 11)



ANNE7500


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