lunes, 7 de julio de 2014

Lily et ses livres - Comentario sobre la versión francesa de "La pieza del fondo"




La pièce du fond - Eugenia Almeida



Quelque part dans une petite ville de province, où les uns vivent à côté des autres sans les jamais se connaître vraiment, deux «personnages» font leur apparition. Deux personnages, un homme puis une femme, qui vont modifier un temps, le rapport de toute cette petite société au monde.

Un homme seul avec toutes les apparences, pour certains, d’un fou ou d’un clochard, un homme qui ne parle pas et peut-être au fond n’entend même pas. Il est assis au centre de la place et attire les remarques acerbes, mais aussi et très curieusement des gestes de quasi tendresse, d’attention. Une jeune serveuse, puis un policier, en feront leur quasi confident, eux qui de toutes évidences ont un poids au fond de la poitrine qu’ils ne peuvent plus porter. Le vieil homme semble les écouter, de cela ils sont persuadés, persuadés aussi qu’il est devenu sans le savoir leur "ami", peut-être bien le seul.
Personne ne connaît son nom, ni d’où il vient…
Dans l’hôpital tout proche, une femme d’une cinquantaine d’années, psychiatre, vient prendre ses fonctions et s’aperçoit, éberluée que tout le monde la connaît déjà… Oui, c’est bien elle, la "folle", celle dont le chef de service n’a cessé de parler depuis des années, la fille d’une ancienne patiente à lui.. Personne ne connaissait le vieil homme, tout le monde la connaît, elle,  avant même de l’avoir déjà vue…
Connaître, méconnaître, prendre pour… Car tout le problème est là dans le jugement biaisé, le trop plein de pouvoirs qui donne le droit de juger, le manque d’attention.
«Ce que l’on voit, c’est que nous sommes finalement des marionnettes. Tous des marionnettes.»
Ou des poissons, pêchés, sortis brutalement hors de l’eau avant d’être éviscérés, brutalisés et dépossédés de tout et du plus intime.
«Là-bas, je n’ai jamais aimé pêcher. Les poissons on les sort blancs, épuisés, ils sont aveugles, blessés, traînés par un crochet, tirés hors du monde. Non. Mon beau-frère dit que c’est une lutte, un défi. Que le pêcheur affronte le poisson, qu’ils doivent se mesurer. Non. L’un ne perd qu’une proie ; l’autre perd la vie. Tout ce qu’on porte en soi, ce jeu de couleurs, de lignes et de choses à l’intérieur du corps, tout ça est arraché, jeté au fond de la barque, et il y en a qui parle de défi."
Au fond, ce qu’apportent presque sans s’en rendre compte le vieil homme et la psychiatre, c’est une autre façon de pêcher, entendez par-là de s’approcher des autres et de les comprendre, non dans le défi ou la lutte, mais dans la compassion, et l’empathie.
Chacun à leur façon, vont éveiller la part humaine, altruiste qui réside au coeur de quelques-uns des habitants de la petite ville. Enfin, jusqu’à un certain point…
La métaphore du pêcheur et du poisson court tout au long du roman, lumineuse, plus parlante que n’importe quel discours. Quant à la petite pièce du fond n’est-elle pas tout autant le cagibi au fond du jardin où moisissent des cartons entassés là par un précédent propriétaire (sa vie en somme) que cet endroit oublié en chacun de nous, inatteignable, incommunicable…
Les uns et les autres… 
Un livre étrange, surprenant et captivant.
J’ai beaucoup aimé.


Editions Métailié – Avril 2010

Eugenia Almeida est née en 1972 à Cordoba (Argentine), où elle enseigne la littérature et la communication. Elle écrit de la poésie.

L’Autobus (2007) fut  son premier roman.







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