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martes, 5 de junio de 2018

Onlalu: comentario de Aline Sirba sobre la versión francesa de "La tensión del umbral"





La vérité à tout prix. Vraiment ?


L’œuvre d’Eugenia Almeida est enracinée dans l’histoire de l’Argentine, son pays natal. « L’autobus », qui l’avait fait connaître en France en 2007, racontait à travers une anecdote presque surréaliste la prise du pouvoir par les autorités militaires à la fin des années 70. Tout aussi incisif mais plus noir, « L’Echange » montre que ce pays n’en a pas fini avec son passé.

Sur le seuil d’un bar, une jeune femme menace de tuer un homme avant de le laisser partir et de retourner son arme contre elle. A priori, un suicide ne nécessite pas une enquête bien approfondie, car on pourra toujours trouver de multiples causes à un geste désespéré comme celui-ci. Telle est la conclusion de la police locale qui a tôt fait de classer l’affaire.


Mener l’enquête envers et contre tous

Mais pour le journaliste Guyot, ce suicide en public a forcément une signification, d’autant plus que Julia Montenegro avait vraisemblablement l’intention de tirer sur quelqu’un d’autre avant de changer d’avis. En dépit des mises en garde de son rédacteur en chef et du commissaire, il est déterminé à mener l’enquête. Or, dans le coin, on n’aime pas trop les fouineurs, et Guyot se heurte à des témoins aveugles et muets. Il se tourne donc vers les carnets de la victime noircis de notes sibyllines, examine des photos floues, consulte des archives de journaux, mais plus il creuse, plus les cartes se brouillent, des éléments disparaissent, les menaces contre ses indics se multiplient et les morts s’accumulent autour de lui comme autant d’avertissements.


Une narration vertigineuse

Eugenia Almeida pousse l’art de l’efficacité à son plus haut niveau dans ce roman dépouillé à l’os, constitué en grande partie de dialogues secs, sans fioriture, voix sans visages et silences qui en disent long sur le poids d’une Histoire imprescriptible. Le lecteur est happé par une narration vertigineuse, constamment sous tension, qui progresse en mouvements concentriques, et dont la force tient au démontage minutieux des mécanismes d’une corruption pyramidale. Ce qui est brillant ici, c’est que les révélations réduisent les chances de la résolution de l’affaire, parce que savoir, comme dit un personnage, c’est « assumer d’entrer en enfer ». Et c’est bien l’enjeu philosophique de cette histoire intense : faut-il chercher la vérité à tout prix ? Une chose est sûre, « L’Echange » n’a pas usurpé son prix Transfuge 2016 du meilleur roman hispanique !



Aline Sirba



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